Le Rat ou le Bidonville
Le Rongeur cherche avant tout à concrétiser une ambition plus large que lui-même. Il a une volonté de rassembleur tournée vers les autres, même s’il fait difficilement confiance à son entourage pour mener à bien ses projets. Le Rat peut paraitre buté et dur. Mais il a toujours à l’esprit le bien commun, la protection des siens, un goût pour les œuvres collectives. Il aime sédentariser son auditoire dans un lieu protecteur ou dans une culture partagée, et en cela, c’est un animal politique. Humble et endurant, il sait résister à toutes les pressions.
Le Rat a besoin de sensations fusionnelles, englobantes, infinies, qui le rendent indifférent à toute forme de différenciation, d’opposition ou de conflit individuel. Il tend vers une réceptivité perpétuelle et infinie dans une sorte d’impression floue mais vaste de communion avec l’environnement. Il vit sous le règne absolu du sentiment et des émotions, éclipsant l’intellect et la raison séparative. Demandeur de quitter ses repères et de dépasser ses frontières, il recherche une forme de marginalité. Cela pour mieux imaginer un monde nouveau, un ailleurs magnifique dont personne ne sait, de son vivant, s’il s’agit d’une intuition ou d’une illusion.
Les particularités du Rat
Le Rat met sa sensibilité évasive au service d’une volonté constructive. Les contradictions de cette personnalité sont importantes. Car le Rat cherche à structurer une famille ou un groupe tout en se reposant sur une soif d’évasion ou d’étranger. Il veut participer à l’édification de sa société, tout en y échappant. Cela conduit le Rat à la marge, dans une sorte de bidonville ou de camp de réfugiés. L’œuvre qu’il bâtit est anticonformiste, en inadéquation radicale avec ce que prône l’ordre social établi. Pour le Rat, la société d’origine est étouffante. Il est tenté de la quitter, sans parvenir vraiment à s’en détacher. Il y garde un lien de dépendance plus ou moins subi, assez gênante pour les deux parties. Le Rat est une graine de rebelle, une bête noire.
C’est la fée Carabosse qu’on n’a pas réussi à intégrer, et qui surgit comme un mauvais souvenir. C’est aussi la sainte famille qui n’a trouvé nulle part où loger et qui se réfugie dans une étable. On aimerait ne pas le voir, mais il est là, partout. Il met le doigt sur un dysfonctionnement manifeste. Alors même qu’il est totalement inoffensif, le Rat est porteur d’une violence et d’une contestation sociales qui laissent impuissants les personnes en place. C’est que le Rat ouvre une porte sur une autre réalité possible. Il ouvre une brèche qui pourrait mener à la ruine. Il crée un lien avec un monde lointain, rêvé, ou pressenti.
Le Rat sait que le monde dans lequel il vit n’est qu’une étape transitoire. Il ressent fortement en lui la nécessité de préparer l’avenir. Il s’aliène donc dans cette vision, imperméable aux avis de ses contemporains. L’inadaptation est sa force. Le rejet devient la pierre sur laquelle il bâtit son édifice. Il s’acharne à préparer un monde meilleur, avec sévérité et compassion, dans un dévouement mystique aux personnes auxquelles il se consacre. S’échapper de la société mère implique qu’il parte en communauté sur les routes du monde afin de fonder ici ou là des diasporas. Plus ou moins connectés, ces groupes gardent le souvenir de leur terre d’origine. C’est le paradoxe d’une ouverture sur le monde d’une communauté rejetée et très fermée.
Les pouvoirs du Rat
Le Rat sait amener sa communauté sur des terrains inexplorés. Il ouvre la porte à une humanité plus vaste, plus englobante, qui accepte de voir l’étranger (et l’étrange) comme un contact enrichissant, et non plus comme un tabou. En apparence humble et inoffensif, le Rat est en réalité vecteur de grands espoirs autant que de raz de marées dévastateurs.
Le natif du Rat aura tout intérêt à s’orienter vers une activité qui exalte son désir de construction sociale, alimenté par son besoin d’évasion. Il aura une prédisposition pour toutes les questions rejetées par sa société d’origine. L’occulte, le paranormal, les marginaux, les parias, les étrangers… Sa capacité à bâtir un empire sur des sables mouvants, ou sur une ruine morale, lui sera profitable dans toutes les carrières économiques, militantes et sociales ou les métiers artistiques. Mais quel que soit le domaine qu’il choisira, il cherchera à promouvoir l’ouverture sur le monde.
Ex : Edgar Poe, Tolkien, Atatürk, Martin Luther King, Elvis Presley